Interview des développeurs (1987)

Kinte (chef d'équipe) : On venait tout juste de mettre au point un tout nouvel hardware 16 bit. Il était en mesure d’afficher un grand nombre sprite et la vitesse du processeur nous a amené à penser que ce serait là une bonne base pour créer un shoot’em’up. C’est ainsi qu’est né R-Type.

ABIKO (designer) : Tout est parti d’une blague, mais l’idée de la Force vient des scarabées à bousiers. On pensait à un système dans lequel ce n’est pas la puissance du vaisseau qui augmente mais plutôt celle de la Force. On voulait aussi que deux joueurs puissent jouer simultanément. Notre programmeur Akio était un joueur invétéré de Gradius et nous avions bien conscience de l’impact de ce jeu. Si nous nous lancions dans un shmup horizontal, on savait qu’on le comparerait immédiatement à Gradius, donc nous cherchions de quelle manière le différencier.

On nous a demandé de commencer à coder mais il y a eu nombres de modifications par rapport au « game design » originel. Par exemple, on voulait que la Force puisse se déployer dans quatre directions : devant, derrière, au-dessus et sous le vaisseau. Mais cette partie de la programmation était trop complexe, on a donc juste conservé le positionnement arrière et frontal. Les power-up ont aussi beaucoup changé. Au début on avait ces armes typiques des shmups, comme le 3-ways shot, mais nous sentions que ce serait bien insuffisant pour distinguer suffisamment notre jeu de Gradius. On a donc rajouté le « Reflecting Laser » mais la programmation fut éreintante (rires).


AKIO (Character Designer) : L’autre arme à laquelle nous avions pensé ressemblait à un filet à poissons. A l’époque on essayait coute que coute de chercher des concepts qui attireraient l’attention, on s’est ainsi concentré sur l’étrangeté de l’armement. Par la suite nous avons affiné l’ensemble de telle façon à ce que le jeu soit compréhensible et accessible. On avait également pensé à une arme dont le projectile se positionnait face à vous et explosait s’il entrait en collision avec un tir.

ABIKO ( designer ) : Toutefois la première idée que nous avions en tête était la Force. Ensuite nous avons pensé les autres armes en fonction des différents ennemis que nous étions en train de concevoir. Les niveaux étaient créées les uns à la suite des autres, puis on a décidé de l’ordre définitif en fonction de leur difficulté. La première création devint le niveau un qui est un peu à l’image de l’univers de Gradius, pour ensuite enchainer sur le septième niveau (le dépotoir). Vint par la suite le deuxième stage, il faut dire qu’on venait tout juste de voir « Aliens », puis les niveaux 3 & 4. En l’occurrence nous procédions à des tests de programmation pour le quatrième niveau, et j’ai vu cet ennemi qui traçait une ligne le long de sa trajectoire. J’ai tout de suite pensé que si nous étions en mesure de programmer quelque chose de cet ordre, nous pourrions l’exploiter dans le jeu. C’est pourquoi le quatrième stage ne compte pas une grande variété d’adversaires puisque nous avons principalement intégré des ennemis créant des lignes sur leur sillage ainsi que les méchas qui effacent ces mêmes lignes en suivant leur trajectoire.


Dans l’histoire, le septième niveau était censé être le stage final, une sorte de dépotoir dans lequel les ennemis croisés précédemment finissaient à la casse. A mesure que nous concevions les stages on se disait que le premier niveau était à la portée du péquin moyen, le deuxième allait un peu plus loin, le troisième devait surprendre et susciter une fébrilité quant à la suite, le quatrième constituait un palier de difficulté au bénéfice de l’exploitant de salle, le cinquième vous plongeait dans un autre monde et le sixième vous amenait à vous poser la question suivante, ne vaut-il mieux pas abandonner ? (rires)

On n’était pas très chaud à l’idée de concevoir un deuxième loop mais on l’a fait à l’adresse de nos fans. L’écart de difficulté est énorme, donc ne vous prenez pas trop la tête et jouez-le comme vous le sentez. On s’est dit que tant qu’à pondre un second loop, essayons de faire en sorte que le fait même de perdre une vie soit fun. Par exemple le cinquième boss devient complètement fou si vous l’approcher de trop près. Et si vous mourrez à ce moment, la partie devient quasiment irrécupérable.

Sons et bande-sonore

SCRAP (Compositeur) : Lors de la création de la bande sonore, j’ai eu de nombreuses demandes qui venaient de l’équipe et qui insistaient sur la gravité du ton que se devaient d’avoir les compositions. J’ai eu aussi mon lot de demandes singulières, comme par exemple l’ajout de bruitages d’un cuirassé spatial pour le croiseur que l’on combat dans le troisième stage. J’avais beaucoup de mal à définir ce fameux son car évidemment les vaisseaux spatiaux n’existent pas dans la réalité, ce qui n’a pas facilité la tâche. Sur certains thèmes l’équipe tentait de me donner une idée sur le rythme à employer : « Il faudrait que ça sonne comme ça, don, ta ta ta! ». Leurs idées étaient vagues mais j’ai fait en sorte de répondre à leurs attentes même si ce fut difficile. A de nombreuses reprises je me suis entendu dire que ça ne collerait pas. En fait même après qu’un thème soit validé, je me mangeais toujours plus de refus sur les nouvelles musiques en cours.

Tout le long du développement de R-Type, nous avions en tête l’idée que les compositions devaient sonner comme la bande son d’un film. Les musiques d’œuvres cinématographiques peuvent en l’espace de quelques secondes transcender une scène, et c’est ce point essentiel qui nous est resté à l’esprit à mesure que le travail avançait. Je pensais aussi que la puce sonore PSG (*) était bien plus adapté pour ce jeu, certes le son FM avait aussi ses qualités mais il était trop « naturel » et s’accordait difficilement avec le tohu-bohu d’une salle d’arcade. Mais bon chacun présentait des inconvénients.

(*) PSG (Programmable Sound Generator) : Puce son qui fut régulièrement employée sur les micro-ordinateurs et consoles qui fonctionne comme un générateur d’ondes, qui par combinaison et mélange, forment une onde plus complexe dont il est possible de façonner l’amplitude et le rythme pour mimer un type de son.


Le chara design

AKIO (Character Designer) : Combien de véhicules ou ennemis ai-je crée exactement ? Eh bien beaucoup (rires). Certains ont été produit de mon côté, que je remettais en disant « utilise celui-ci », et d’autres se basaient sur les suggestions de l’équipe. Mais en fait j’ai fini par en proposer toujours plus, et d’ailleurs la première d’entre elle fut le tout premier boss.

ABIKO (Designer) : Ah oui, il nous l’a amené et on lui a rétorqué « en aucun cas on ne pourra utiliser quelque chose d’aussi énorme » (rires).

AKIO (Character Designer) : Par moment je commettais quelques bourdes, par exemple comme la fois ou j’ai ajouté des canons sur un ennemi qui n’était pas censé en avoir. Un des autres changements concernait le troisième boss dont le feu des réacteurs était à l’origine rouge et non pas bleu.

SCRAP (Compositeur) : Si je me souviens bien, à l’époque j’avais dit que dans une autre dimension la présence de feu était improbable. Finalement il m’a pris au sérieux, Akio est quelqu’un de très facilement impressionnable (rires).

AKIO (Character Designer) : Avec une couleur rouge le rendu était plus réaliste, mais changer pour un coloris bleuté a conféré une touche unique à l’ensemble. Les serpents du cinquième stage étaient eux aussi dans les mêmes teintes mais par la suite nous avons adopté des tons plus austères, ce qui se répercuta sur l’ensemble du jeu, et qui nous fit une impression bien différente de l’image initiale que l’on se faisait de R-Type.


Les problèmes rencontrés lors du développement

SUM (Programmeur) : R-Type est un shmup, et les shoot’em’up ont tendance à respecter nombres de conventions qui fait qu’un certain nombre de personnes ne voit pas au-delà de la forme. Or, nous avons fait un tas de recherche pour ce jeu et avons consacré un temps infini pour le moindre petit détail. Par exemple, lorsque la Force se connecte au vaisseau, elle effectue un mouvement de rotation qui varie en fonction de vos déplacements sur l’axe vertical. Je parie que nombre de personnes ne l’ont même pas remarqué ! De même lorsque vous vous déplacez horizontalement, les pointes de la Force s’étirent ou se referment. Abiko s’est attardé sur un nombre de détails hallucinants auxquels la plupart n’ont même pas fait attention. L’un des autres problèmes auquel nous avons été confrontés, du point de vue de la programmation, était d’amené la Force à contourner naturellement les obstacles. En fonction de l’agencement des niveaux, il arrive parfois qu’elle se bloque en stationnant sur place. Sa programmation a relevé du parcours du combattant, car l’idée était de faire en sorte qu’elle agisse presque comme un second joueur.

YOSHIGE (Character Designer) : Nous avons lutté afin de que le design définitif correspondent aux idées que nous avions en tête.

MISACHIN (Programmeuse) : Bonjour, je suis Misachin, la seule femme ayant participé à la création de R-Type. La quantité de mémoire absorbée par les données graphiques a rendu le travail de programmation très difficile.

K.H (Sound Programmer) : La principale difficulté que j’ai rencontré pour créer les sons de R-type concernait les nouveaux outils de développement dans le domaine qui à l’époque ne disposaient par encore de la fonction « éditer ». En fait le résultat final s’est avéré bien différent de ce dont nous discutions en réunion et c’était une épine dans le pied de SCRAP.


Les anecdotes à propos de R-Type

Quelle est l'origine du titre " R -Type" ?

Le R signifie “Rayon”, comme pour un rayon de lumière et puis beau nombres d’armes en sont composés.

Ou se situe la hitbox du vaisseau ?

C’est un point unique situé au centre du vaisseau, mais pour compenser nous avons élargi les hitbox des ennemis et des décors au-delà de leur limite visuel.

Combien de degrés de vitesse compte le vaisseau ?

Cinq.

Comment fonctionne le pattern du quatrième boss ?

Il possède trois patterns et sont aléatoires. Enfin pas tellement, mais peut-être que si vous fouinez vous découvrirez quelque chose…

Comment fonctionne le pattern du cinquième boss ?

Ils sont totalement aléatoires. Un point du haut de l’écran est choisi, si vous l’approchez le boss se déplace lentement, inversement si vous en êtes éloignés il accélérera le mouvement.

Pourquoi voit-on le score s’afficher à la fin de chaque niveau ?

On voulait encourager la compétition entre joueurs en leur donnant conscience de la dimension « scoring ». Un peu comme un carnet de notes.


Patreon : https://www.patreon.com/shmuplations

Traduction originale par Blackoak de shmuplations.com

Source : https://shmuplations.com/rtype1/